Les Yoga Sutras de Patanjali


Une philosophie à l’épreuve
de l’expérience physique et psychique.


 

Partout les hommes chérissent la liberté, partout ils font d’elle une quête à l’extérieur d’eux-mêmes faisant fi de la connaissance délivrée. Ils ignorent qu’elle réside en eux, comme un trésor au beau milieu de l’espace du cœur. 

Les Yoga sutras, sont un texte attribué à Patanjali. Véritable recueil de 195 aphorismes, les sūtras lui ont été inspirés vers 500 av. J.-C. Comme les perles d’un collier, les aphorismes s’associent pour se présenter en quatre chapitres, et contribuent à guider le yogi dans sa démarche vers le Samadhi.
Ils regroupent une définition du yoga, une démarche pour se départir des fluctuations du mental et de la souffrance, une méthode: l'ashtanga yoga, ou éthique de l’action, avec la pratique de concentration et de méditation. C’est un manuel à la fois psychologique, énergétique, physiologique et spirituel pour celui qui recherche à être guidé jusqu’au couronnement promis: Kaivalya,  la libération. 

Au cours du premier chapitre: 

Patanjali présente le yoga et son but en plaçant la focale sur la fonction du mental parmi les éléments perturbateurs qui entravent le processus du yoga. Il nous présente également  la valeur des instances psychiques, qui gouvernent la démarche du yogi, jusqu’à l’apaisement et la clarification absolue du mental: à savoir le Purusha et la Prakriti jusqu’au samadhi, véritable couronnement du tout lumineux intérieur. 

YS-I-2 / yogah-citta-vritti-nirodah

Le yoga est l’arrêt de l’activité automatique du mental. (Traduction, Gérard BLITZ).

L’harmonie est l’apaisement, la concentration et la canalisation complète des activités fluctuantes du mental. (Traduction, F.MOORS)

Le yoga est l’aptitude à diriger le mental exclusivement vers un objet et à soutenir cette direction sans aucune distraction. (Traduction.T.K.DESIKACHAR )

Le yoga consiste à maintenir son « esprit » dans un état à la fois de quiétude et d’éveil, où l’on est totalement présent à ce que l’on fait et où les pensées ne jaillissent plus d’elles-mêmes dans toutes les directions, mais sont pleinement contrôlées et orientées. Le mot esprit a ici le sens de psychisme, intelligence, pensée, sentiment, émotion. (Traduction.B.Bouanchaud).

 

YS-I-3,4 / Tada-drahtuh-svarupe-avasthanam

« Alors se révèle notre centre établi en lui-même »

« Alors ce qui perçoit est établi dans sa véritable nature »

« Alors naît la capacité de comprendre l’objet pleinement et de façon correcte »

« Alors le principe de conscience s’établit en sa vraie nature »

YS I-4 et YS II-17 / Dans le cas contraire, il y a identification aux activités psychiques.

YS-I-5 / Les Vrittis ou fluctuations du mental

Les Vrittis ou fluctuations du mental sont de 5 sortes: 

  • Pramana, la connaissance juste

  • Viparyaya l’erreur

  • Vikalpa l’imagination

  • Nidra le sommeil profond

  • Smritayah,  la mémoire les souvenirs.

YS-I-12 / Abhyasa-Vairagya -bhyam tan nirodhah - Comment apaiser le mental?

  • Une pratique intense dans un esprit de lâcher-prise, une pratique intense couplée au détachement  des fruits de l’action (la recherche d’un résultat n’a rien à voir avec l’action elle-même) 

  • L’effort d’attention et de vigilance suppose de percevoir cette instance qui induit la conscience à se stabiliser et s’apaiser.

  • Voir non avec la vue mais avec la prise de recul sur ce qui est vu en étant sans jugement sur l’activité mentale qui se manifeste.

  • Patanjali nous invite à plus de discernement pour ne plus être emporté par ce qui n’est pas l’instant présent.

YS-I-30 / Les obstacles à l’apaisement, l’harmonie, ce qui entrave la clarté.

  • Vyadhi, la maladie,

  • Tyana l'abattement,

  • Samshaya le doute,

  • Pramada le déséquilibre mental,

  • Alasya le fait de ne pas réaliser ce qu’on a projeté

  • Avirati  de changer trop souvent de projet 

Tous sont des obstacles inhérents aux automatismes du mental qui dispersent la conscience.
Ce yoga sutra peut être mis en relation avec le YS II-11 et II-12, les kleshas, ainsi que II-30,  l’astanga yoga .

Patanjali nous invite à mettre les actions contraires au service des solutions qui pourront permettre le rétablissement d’un apaisement.
Là également il s’agira d’exercer un discernement favorable.

  • Se concentrer sur un seul principe à la fois avec humilité et patience dans la pratique avec un effort d’attention.

  • Agir avec amitié, et ouverture du cœur, vis à vis de ce qui nous fait du bien comme de ce qui nous blesse, en accord avec le principe de conscience et le sentiment de ce qui est juste.

  • Pratiquer en favorisant les temps de suspension de la respiration,  l’expiration afin de faire le vide.

  • Faire l’expérience d’un état lumineux d’une plénitude.

  • De se placer en relation avec un être qui porte notre admiration, qui connaît à nos yeux l’état sans désir.

  • Resté  éveillé, vigilant, à l’écoute de l’espace du cœur.

  • Méditer sur un objet de notre choix.

  • Chanter le AUM. 

 

Chapitre II

YS II-I / le Kriya yoga : la méthode  du yoga de l’action.

Au second chapitre il ouvre le sujet avec le Kriya yoga : la méthode  du yoga de l’action.
Patanjali nous conduit pas à pas, à l’exercice d’un discernement (Viveka) sur nous- même et d’une discrimination de plus en plus affirmée pour obtenir une action sur la souffrance et se dégager de son emprise sur le mental, et l’égo en particulier.

  • Tapas, l’effort de l'ascèse, la pratique sérieuse.

  • Svadhyaya, l’étude, l’analyse pour mieux se connaître et mettre les textes en miroir de cette connaissance.

  • Isvara Pranidhana, consentir à s’abandonner avec humilité à tout ce que nous ne pouvons changer et qui ne dépend pas de nos actions personnelles.

Patanjali nous renvoie aux autres causes de souffrance les Kleshas

Pour être bien conscient de  notre cheminement sur la voie de la libération, nous nous devons d’être dans une attention rigoureuse sur nos actions et sur ce qui les motivent.

YS II- 3- 4 / Les kleshas

  • Avidhya : la nescience, l’ignorance, l’instance inconsciente de l’être.

  • Asmita : l’égo qui est traversé de nos expériences, de notre mémoire de toute notre éducation et de nos déterminismes passés y compris ceux qui résultent de l’impact sociétal.

  • Raga : le désir de prendre, de rester attaché ou dépendant, l’avidité

  • Dvesha : le refus de voir, d’accepter, l’aversion, le rejet, la négativité affirmée de ce qui est.

  • Abhinivesha : la peur sous toutes ses formes qui paralyse comme refrène l’engagement, l’ouverture à faire preuve d’une évolution. La peur de mourir.

Toutes sont liées les unes aux autres et contribuent à une méprise de soi pour accepter la réalité ou poser des actes qui engagent la conscience d’un changement.

Elles peuvent être méconnues et se manifestent de  telle manière que même la répétition de nos erreurs ne conduisent à les reconnaître. 

YS II- 28, 29, 30 / L'Ashatanga Yoga - Les Yama Niyama.  

 L’Ashtanga Yoga, la voie octuple.

  • Yama: les règles sociales, refrènements ou abstinences

  • Niyama: ce sont les attitudes relationnelles du yogin avec lui-même, elles s’appliquent à orienter la vie spirituelle.

  • Asana: concerne la discipline du corps, la posture

  • Pranayama: le contrôle du souffle et de l’énergie vitale

  • Pratyahara: le retrait des sens, c’est la preuve d’une bonne maitrise sensorielle

Yama / Niyama / Asana / Prananyama / Pratyahara, tous sont les membres externes  ou Bahir- anga-sadhana

  • Dharana: la faculté d’attention ou de concentration

  • Dhyana: méditation, lorsque cette attention exclusive a un seul contenu mental et se maintient de manière ininterrompue

  • Samadhi : lorsque la méditation est bien installée et atteint un point culminant, il y a absorption totale de l’esprit dans l’objet de méditation.

Dharana, dhyana et samadhi sont les membres internes ( yoga interne)  ou antar- anga

Nous aborderons principalement ici les Yama et Niyama 

Patanjali pose d’emblée que les relations avec autrui sont une priorité, car nous avons beaucoup plus de facilité à repérer chez les autres ce que nous voulons ignorer en nous- même. 

Aussi parce que l’exercice nous place très directement dans une attitude d’ouverture pour accepter ce que nous voudrions que les autres nous fassent, au regard de ce qui nous fait défaut.  Nos tendances sont de placer autrui au cœur de ce que nous sommes.

Il ne s’agit pas de refouler les pulsions mais là encore de les analyser, d’anticiper leurs effets négatifs, de remonter à la source des causes (telles que décrites auparavant).

YAMA:

  • Ahimsa : s’abstenir de faire du mal ou d'entraîner la souffrance respecter la vie

  • Satya: la véracité, la sincérité, l’authenticité, la réflexion sérieuse

  • Asteya: ne pas voler, s’abstenir de s’approprier des objets, des idées, des paroles, des actions;

  • Brahmacharya: se diriger vers l’absolu

  • Aparigraha: la non convoitise, non avidité, non concupiscence.

Non violence - véracité - non vol - la modération au service d’un idéal-  la non convoitise
Ces conseils sont de bon sens, ils rassemblent ce que sont les intentions et les valeurs de justice et d’équité.

NIYAMA:

Là encore Patanjali nous exhorte à l’ascèse purifiante, à nous dépouiller du superflu et nous diriger vers l’essentiel;

  • Sauca : le yoga est un système de purification et d’ascèse.

  • Samtosa : la sérénité, le contentement , se satisfaire pleinement de ce qui est nécessaire au maintien de la vie.

  • Tapah : l’ascèse et l’austérité, l’élimination des impuretés.

  • Svadhyaya: l’étude et la récitation des textes sacrés, la réflexion sur leur signification, ce qui mène à l’introspection.

  • Ishvara-pranidhana: la dévotion et l’abandon au souverain omniscient principe d’exception qui est non limité  et avec qui il est possible de se relier grâce au OM.

Patanjali consacre deux aphorismes à présenter les moyens d’une réflexion qui viendrait contrecarrer les pensées conflictuelles, se pencher sur les principes relationnels et les combinaisons qui nous affectent en général.

Il s’agit bien de saisir ce qui fait répétition dans nos difficultés.

L'ashtanga yoga est un tout, comme les parties de notre corps réunies par la colonne vertébrale et l’axe qu’elle représente.
Le yoga nous conduit du plus grossier au plus subtil, grâce à l’ascèse et l’élimination de ce qui voile la conscience . Les yama et Niyama conduisent le yogin sur la voie d’une recherche pour reconnaître, prendre conscience, comprendre le sens que nous donnons à notre vie.  

 

Les Upanishads et les Yoga Sutras



Les cinq Koshas de la constitution humaine,
décrite dans la Taittiriya-upanishad (composée entre -600 et -500) peuvent être mis en lien avec la voie octuple ( Ashtanga) de Patanjali

Koshas: enveloppe, fourreau, abat-jour qui filtre la lumière. Ils s’interpénètrent et s’influencent mutuellement.

LES CINQ ENVELOPPES DU CORPS

  • Annamaya kosha :
    Comprend tous les aspects physiques du corps, le corps dans sa densité, au sens où il résulte de la nourriture du début jusqu’à la fin de la vie.
    Les asanas travaille sur ce corps

  • Pranamaya kosha :
    Plus subtil, et étendu, il se compose du Prana et de tous les canaux de circulation de l’énergie. il est l’effet du métabolisme de Agni ce qui vient créer la combustion de la nourriture pour la distribuer dans le corps et la métaboliser. Le Pranayama travaille sur ce corps

  • Manomaya kosha :
    Ses fonctions résultent du corps mental et de ses activités, il apporte les expériences, les analyses du corps extérieur au corps intuitif.
    Il est constitué de nos souvenirs et sensations des expériences. Prathyara et Dharana travaillent sur ce corps

  • Vijnanamaya kosha :
    Il est encore plus subtil et s'interpénétre avec le corps psychique, le corps intuitif et mental. C’est pourquoi il est si difficile de le mettre en pleine lumière. Il est notre personnalité dans la profondeur de notre désir de réalisation. Certains le découvrent dès le jeune âge, d'autre jamais. Dhyana travaille sur ce corps

  • Annandamaya kosha :
    La félicité, corps causal ou transcendantal, il est l’ultime, le plus subtil de tous et vise à éveiller transcender les autres jusqu’à s’épanouir dans le Samadhi lumineux. Samadhi est en lien avec ce corps.



Bibliographie

Yoga Sutras Patanjali
chez Albin Michel traduction G blitz.

Yoga-Sutra de Patanjali texte traduit et commentaire de Desikachar édition du Rocher

Patanjali Yoga-Sutra traduction et commentaires Frans Moors édition Les cahiers de Présence d’Esprit.

Dr. Chandrasekaran : Les 4 premiers Yoga Sutras traduction française, S.Delauney édition Agamat


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