Le Samkhya

Le nom Samkhya ( datation du 5ème sicle avant notre ère !!!!) signifie « connaissance parfaite », il est un des six écoles ou vision (darshana) de la philosophie indienne. Ces six systèmes philosophiques sont regroupés par paire : le Samkhya et le Yoga forme un couple.

Le Samkhya classe et analyse les éléments constitutifs du monde manifesté. Il énumère les principes à l’origine de la vie. Il postule que pour éliminer les souffrances métaphysiques, il est indispensable de connaître les causes primordiales responsables de tout ce qui existe. Mais cette philosophie ne recourt pas à un dieu créateur. Le Samkhya a pénétré de ses concepts et de son esprit des pans entiers de l’édifice philosophique et religieux de l’Inde 

On retrouve dans les Upanishad et dans la grande épopée du Mahabharata, plus particulièrement dans la Bhagavad Gita et dans divers textes jusqu’aux alentours de l’ère chrétienne des éléments d cette philosophie. La tradition orale affirme que le premier traité à l’origine du Samkhya fut celui de Samkhya-sutra de Kapila ; ce traité est définitivement perdu ; son résumé, les Samkhya-karika d’Isvarakrsna, est le texte le plus ancien disponible. 

Construction du texte

Introduction générale commençant par les trois sortes de souffrances

Les attributs de Prakṛti et de Puruṣa.

Description du processus d'évolution de l'univers à partir de Prakṛti

Théorie du corps subtil et de sa composition. Énumération des composantes 

Les deux parties de la création : spirituelle et matérielle et la notion des guṇa

Description de la méthode de libération

Conclusion.

La compréhension du monde selon Samkhya 

Pour éliminer la souffrance métaphysique de l’homme, le Samkhya propose une compréhension du monde et de son évolution. Dans un premier temps ils nous proposent de différencier dans le monde trois parties :

  • une manifestée dont nous avons conscience, vyakta 

  • une non-manifestée, ce qui nous échappe, avyakta

  • une autre qui est la source de la connaissance des deux précédentes, jna ou principe de connaissance prajna

« Tout comme l'eau mélangée à de l'eau reste la même eau indifférenciée, de même Prakriti la matière latente et Purusha la conscience pure apparaissent toutes deux identiques à celui qui possède la connaissance de l'absolu » AVADHUTA GITA

Les 2 principes primordiaux qui sont au centre du Samkhya sont Purusha & Prakrti

1.Purusha , la conscience latente



Il est indéfinissable, inconnaissable, inexprimable, éternel, non impliqué dans le monde empirique. On lui attribue néanmoins trois qualités fondamentales afin d’en faciliter la compréhension : être ( Sat) conscience (Chit)  béatitude (Ananda).

Purusha constitue ce que les mystiques indiens nomment Turiya signifiant littéralement transcendance. Les Upanishads affirment que lorsqu'un être humain transcende les trois états ordinaires de la conscience (veille, rêve, sommeil sans rêves) il parvient au quatrième état ou Turya.

Purusha  ne peut rien manifester parce qu'il ne possède aucune qualité liée à la matière, il est dépourvu du potentiel permettant de se manifester



2.Prakrti :la matière latente

Prakrti est la matière primordiale, dans notre plan c’est Mère nature, Gaia, comme toute matière elle est transformable.

Le jeu où l'interaction de la conscience pure et de la matière latente constitue la cause fondamentale de la manifestation, elle n'a aucune raison de commencer, elle n'a pas non plus de finalité. Les Upanishads affirment que le seul objectif de la création consiste à permettre à Purusha, la conscience de faire l'expérience d'elle-même. Il existe une métaphore faisant référence aux archétypes des divinités Shiva et Shakti, néanmoins il est important de comprendre que cette métaphore est erronée dans la mesure la dualité n'existe pas ni en Purusha ni en Prakriti

En sanskrit Prakriti a aussi comme nom Shakti, énergie pure

Prakriti se divise en 3 principes, ou possède trois qualités principales dont l'interaction produit toutes les formes de la création ( vivante ou non) qui émane de cette Nature Originelle : de la pierre à la planète, de la cellule au trou noir. Rien n'existe indépendamment d’eux.

  • Sattva guna principe de pureté, d’équilibre, de lumière, clarté, harmonie, vertu

  • Rajas guna principe de mutation, d’activité, mouvement, distraction, impulsion, agitation, dispersion

  • Tamas guna inertie, pesanteur, ignorance, obscurité, rigidité, lourd, fixe

Dans l'absolu il n'y a pas de bons ou mauvais gunas. On pourrait même dire que l'univers matériel provient du principe Tamas de Prakriti parce qu'il représente l'aspect de la création le plus compact, le plus dense, lourd. L'univers est multidimensionnel et en réalité nous ne pouvons pas attribuer une signification figée à n'importe quel principe cela entraîne une perception fausse de la réalité, nous le faisons par ignorance. Dès qu’elles entrent en action, ces trois forces latentes sont en permanence en compétition ; leurs interactions entraînent le jeu des transformations du monde manifesté.



Dans le corps tamas favorise le sommeil et le repos, dans l'esprit elle engendre l'illusion, l’aveuglement, la dépression. Raja favorise le mouvement du corps, l’hyperactivité, l’excitation, au niveau du mental il exacerbe les passions, les mouvements d’humeur comme l’impatience, la colère, l’avidité. La qualité sattvique donne au corps et au mental lumière, pureté et harmonie.

La Bhâgavad Gita propose de transcender Tamas par Rajas, Rajas par Sattva puis enfin d’aller au-delà de Sattva.



LES 23 TATTVAS

TATTVA signifie en sanskrit : vérité, réalité  ou encore essence 

La première vibration émise à l’origine de la création est un son, nada, symbolisé par le mantra OM à partir duquel se déploie la manifestation. A partir de cette vibration initiale vont s’engendrer graduellement et selon la prédominance de tel ou tel guna, les tattvas, éléments ou principes constitutifs de base du monde manifesté, et donc de l’être humain. 

Mahat "Cela est"– l’intelligence cosmique, la conscience intuitive, la conscience par excellence, celle qui fait la synthèse avec lucidité et compassion. Mahat est l’intelligente imprégant toute la matière, imprégnant Mère nature : la manifestation se trouve sous le contrôle de Mahat

Ahamkara, appartient à la création toute entière, c’est avant tout le principe de séparation, il donne naissance au temps et à l’espace. Chez l’humain c’est la "notion de JE", l'égo, ou principe de conscience individuelle, qui donne la forme ; ce qui fabrique le JE tout ce qui suit Ahamkara dans la création a le sentiment d'être séparé du cosmos. Ce n’est pas la même signification que l’égo utilisé dans le langage courant ou au sens Freudien du terme. Ahamkara apporte la souffrance parce que nous nous sentons séparés de l’esprit cosmique.

Buddhi : est la manifestation de Mahat dans le corps humain, son intelligence supérieure. Cette instance en nous en lien avec l’intelligence cosmique, capable de discerner, de percevoir au-delà des sens, de s’extraire et d’être témoin.

Manas : l’ensemble de notre psyché : les sentiments, les pensées, le mental, l’ensemble de notre conditionnement, il permet. Il peut s’observer, il a une forme, il est considéré comme un objet. Il est considéré comme instable car il est nourri par les cinq sens qui lui permettre d’interpréter le monde extérieur. Manas fait le lien avec les onze fonctions sensorielles ou Indriya.

La perception peut être rendue difficile parce que ce qui doit être perçu est trop loin, trop près, ou trop subtil, dissimulé, mêlés à d’autres objets. Lorsque le mental, manas, recoit les perceptions venant des sens, n’est pas « entraîné », la distinction se fait au niveau des fonctions sensorielles, par recherche de l’agréable et rejet du désagréable. Nous voyons ce que nous souhaitons voir. La saisie par l’ego, ahamkara peut aussi être partielle et partiale. L’intelligence Buddhi, qui ferait une synthèse correcte est de plus en plus voilée. En fait nous percevons un élément, une émotion, parce qu’ils sont déjà en nous, à l’état actif ou potentiel.  

Citta qui n’est pas mentionnée dans le Samkhya mais qui est cité dans d’autres textes (Yoga Sutra de Patanjali) comprend lui Manas mais aussi l’inconscient et l’inconscient collectif, il est donc plus large.

Jnanendriya ou 5 fonctions de perception, de connaissance : vu (yeux), ouïe (oreilles), olfaction (les narines), goût (la langue), toucher (la peau).

Karmendriya et cinq organes d’action : les mains (préhension), les pieds (marche), l’appareil vocal (parole), anus (excrétion), sexe (organe de reproduction)

Tanmantras Les cinq qualités subtiles à l'état potentiel dans tout monde manifesté :

le son, le toucher, forme, saveur, l’odeur.

La manifestation physique est la combinaison des 5 éléments dans des proportions variables ainsi que des tanmatras. Les organes de connaissance ainsi que les organes d’action permettent de percevoir cette manifestation physique.

Mahabhutas cinq éléments ( que l’on retrouve en physique) : éther, air, feu, eau, terre dont les vibrations vont du plus subtil au plus dense.

Akasha :  principe d’espace, l’éther pénètre tout. 

Vayu : principe de mouvement, l’air est léger, mobile ; c’est le vecteur du prana (énergie cosmique) qui dès l’entrée dans le corps se subdivise en cinq sous-prana élémentaires appelés prana vayu, courants vitaux qui se distribuent dans l’organisme et y assurent chacun une fonction (prana, apana, samana, udhana, vyana)

Tejas principe de combustion, le feu a un rôle primordial, il se manifeste sous la forme de la chaleur corporelle, il donne la force physique, il est le catalyseur de la fonction digestive.

Apa : principe de fluidité l’eau est présente dans les cellules, le sang, la lymphe, les urines, la salive.

Prithivi : principe de masse, la terre est présente dans le squelette, et tout ce qui est dur (ongles, dents)

Pour le Samkhya, l’absence de saisie d’un élément par la perception sensorielle ne prouve en rien l’inexistence de ce qui lui échappe, le monde visible ne serait qu’une modification de forme du monde invisible. 

Durant son incarnation, un lien à double sens relie le corps subtil et le corps dense. Tout ce qui arrive au corps dense est une manifestation des dispositions du corps subtil et modifie les dispositions du corps subtil.  Le corps subtil est investi des dispositions de buddhi . Notre existence perceptible, nos pensées, notre corps, cachent une réalité enfouie en nous : notre essence imperceptible. Notre existence est une peinture sur un support, ou une succession de supports.

Dominé par sattva, le monde céleste est riche de lumière, de joie, de conscience. Le règne végétal et animal sont dominés par tamas, soutenu par sattva et rajas. C’est rajas qui domine dans le monde humain : le propre de l’homme est de créer, d’inventer, de favoriser l’évolution, de se transformer vers la libération 


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