Le féminin sacré

E.Hutin pour Formation IVY 2022

Le féminin sacré renvoie en premier lieu au rôle central que les femmes jouaient dans les sociétés primitives ou antiques. Dans ces sociétés traditionnelles païennes, la femme faisait l’objet d’un culte, en lien avec celui de la Nature, de la fécondité, des cycles et du foyer.

Le féminin sacré constitue donc le souvenir de ce temps légendaire où les femmes guidaient spirituellement la communauté à égalité avec les hommes, en harmonie avec eux, les animaux et la Nature. Des druidesses accomplissaient des rites en l’honneur des dieux de la Nature (cf. les statuettes de la fertilité), reconnectant sans cesse les individus avec la Terre-mère.

Ces sociétés semblent avoir progressivement cédé la place à des sociétés monothéistes de type patriarcal, les hommes affirmant leur pouvoir, reléguant la femme au rang de ressource à posséder, à soumettre et à exploiter. Ainsi, le féminin sacré marque le réveil des femmes, leur reconnexion à leur rôle primordial et la redécouverte d’une forme de sagesse féminine, fondée sur l’écoute de soi autant que sur l’attention portée à la Nature. Ce réveil ouvre la voie à une nouvelle forme de société, fondée non plus sur la maîtrise et la conquête, mais sur l’éveil, la douceur et la compassion.

Quelques citations :

« Ce féminin sacré, cette déesse Mère, revient pour soulever le voile de l’oubli, pour nous rappeler le véritable pouvoir de l’amour, de l’humanité unifiée, du pardon, de l’inclusion. » Camille Sfez

« Le féminin sacré est un temps de re-connection à soi, à sa magie, à sa lumière, à sa créativité, à ses dons, et à tout ce que l’on porte de plus lumineux en soi qui n’attend qu’une chose : Etre éveillé ou Ré-éveillé afin de déployer ses ailes dans tous les sens du terme. » Amelle Blanc

Aujourd’hui, le féminin sacré devrait dépasser le seul genre féminin pour devenir une notion plus universelle, applicable à tout être humain quel que soit son genre ou son orientation sexuelle. Il s’agit alors de développer une partie de soi sous-estimée, complémentaire du masculin. Cela devrait devenir une aspiration universelle autant pour les hommes que pour les femmes. Or, on observe qu’un des courants du féminin sacré se transforme en culte du pouvoir des femmes au détriment de la dimension énergétique universelle. L’ajout du mot « sacré » montre bien la volonté de sacralisation, donc de valorisation du féminin. Un culte qui s’appuie sur la mythologie de cultures primitives matriarcales, entre autres réactualisées par la culture amérindienne qui possède un certain nombre de rites où les femmes se retrouvent entre elles. (cf les Tentes Rouges Anita Diamant)

« J’aime penser que les femmes pouvaient occuper leurs rôles de guérisseuses, de prêtresses, de prophétesses au service de la communauté. Elles devaient avoir une sexualité libre et recevaient le soutien et la protection des hommes de la tribu. »

Cette mythologie permet de proclamer la puissance des femmes et d’appeler à se re-connecter à cette puissance. Cet appel intervient dans une époque post me-too de prise de conscience des violences faites aux femmes dont l’élan collectif leur permet à la fois de porter une parole de victime et, par leur nombre, de générer une réelle force d’opposition.

D’après Monique Grande, autrice, le féminin sacré résonne avec les « quêtes des femmes souvent prises au piège entre des attitudes guerrières (faussement prises pour de la puissance) et des comportements de victimisation (assimilés au contraire à un déficit de puissance) » et leurs questionnements « Pourquoi je ne suis pas moi? Oui pourquoi les femmes éprouvent-elles tant de difficulté à croire en leurs talents, à exprimer leurs convictions, à incarner réellement qui elles sont? (...) » Le féminin sacré formulerait une invitation faite aux femmes à être puissante.

Pour se reconnecter à ce féminin sacré, plusieurs voies sont proposées aujourd’hui.
Toutes s’adressent aux femmes exclusivement :

- Une connexion aux corps des femmes, à leur nature cyclique, à leur utérus comme porte vers l’invisible, voire à la célébration de leurs règles

- Une connexion à la réceptivité, l’écoute, l’intériorité, à la solidarité à travers les cercles de femmes qui proposent à la fois une écoute profonde et dénuée et de jugement et un espace pour une parole intime et sincère.

- La connexion aux archétypes des déesses voire le culte de la Grande Déesse qui remonte aux années 70.
Si les deux premières voies pourraient correspondre à un travail sur le 2ème chakra, cette dernière s’en affranchit complètement pour adresser tous les aspects du monde manifesté.

En effet, comme on l’a vu dans le Tantra, qui n’a pas attendu cette mode du féminin sacré pour célébrer le féminin cosmique sous toutes ses formes jusqu’à la pure Conscience, les divinités hindoues apparaissent à tous les niveaux de notre être et de celui du monde, comme les différents principes, énergies et facultés qui composent ce grand univers, manifesté et non manifesté. Elles font alors écho autant à l’énergie du féminin que du masculin puisqu’elles englobent l’univers dans sa globalité. Pourquoi sont-elles reliées alors au féminin sacré, parce que dans une culture occidentale où dieu est incarné par le principe masculin, elles proposent une alternative féminine. A travers ces figures féminines, c’est une forme d’empuissancement, empowerment, qu’on propose aux femmes et qui répare une figure féminine bafouée ou restreinte. Elles peuvent être incarnées autant par la mythologie indienne que grecque qu’amérindienne ou même plus primitive ou ésotérique comme l’approche des gardiennes de la Lune.

Dans le féminin sacré, on retrouve aussi un pêle-mêle de pratiques New Age, ésotériques, spirituelles comme le culte des sorcières, l’astrologie de la lune, l’animal totem, les formations de femme guérisseuse, pléthore de mantra dits d’activation énergétique, les rituels avec pierre ou chaudron...

D’après un article de jepense.org : cultiver son yin ou son « féminin sacré », consiste à :

  • Écouter plutôt que prendre position,

  • Observer plutôt que faire,

  • S’ouvrir plutôt que choisir,

  • Comprendre et accepter plutôt que juger,

  • Lâcher prise plutôt que contrôler,

  • Se connaître plutôt que se maîtriser,

  • Porter attention à ses sensations et émotions plutôt que tenter de les refouler,

  • Écouter son intuition plutôt que son intellect,

  • Imaginer plutôt qu’agir,

  • etc.

Le féminin sacré peut être défini comme une forme de sagesse passive, plutôt réceptive, éloignée de l’action. Le but n’est pas de maîtriser la matière, mais de se laisser porter par elle, en accueillant l’œuvre du temps, les cycles de la vie et la mort, les changements, les tourments, les peurs, les pertes, les doutes et les douleurs, aussi bien que les réussites.

Paradoxalement, la force du féminin sacré provient de cette faiblesse apparente : en se laissant traverser par toutes les énergies du monde, positives ou négatives, nous nous connectons à elles et nous en tirons une force infinie.


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