Réflexion sur la notion de dualité

Réflexion sur la notion de dualité, sur la différence des sexes, les archétypes féminins et masculin

Avant tout j’aimerai souligner que selon le Yoga notre vision du monde est partiel (pour ne pas dire irréel, il est maya) le reflet de notre intériorité, elle-même intimement liée à nos expériences - celles de notre enfance auxquelles s’ajoutent celles de nos nombreuses vies passées - lesquelles ont construits nos croyances, nos tendances et habitudes (samskaras) qui elles-mêmes cherchent à être vérifiés par de nouvelles expériences......nous sommes enfermés dans un cycle, celui du samsara, où nous ne pouvons distinguer ni la source ni la finalité. Le travail intérieur proposé par le yoga, nous permet d’accéder à une voie qui nous peut nous extraire un instant de ce cycle sans fin.

Ce qui suit est donc la compréhension que j’ai aujourd’hui du yoga avec mon vécu et mes limites aussi. Je crois que les théories qui nous attirent, qui croisent notre chemin, les études ou les écrits qui nous parlent sont en concordance avec notre vécu, que nous en soyons conscients ou non. Nous rencontrons ce que nous vibrons. L’extérieur que nous voyons n’est autre que le reflet de notre monde intérieur, la faible lumière de notre connaissance intellectuelle, émotionnelle, intuitive ne révèlera pas la totalité des informations disponibles. Soyons humble, continuons d’être chercheur et prenons le temps d’entendre et d’écouter ceux qui cheminent vers la connaissance et si on les rencontre ceux qui sont établis dans la Vérité, je parle des Êtres réalisés, mais là encore il n’est pas sûr que nous puissions voir la vérité. Les textes nous enseignent que nous sommes constitués d’une superposition de couches ou Koshas qui perçoivent, interprètent le monde ; elles sont toutes vraies mais pas absolues, et s’enrichissent les unes les autres. Nous pouvons parler de plusieurs niveaux de compréhension, de plusieurs niveaux de conscience : le corporel ou physique, le niveau émotionnel, le niveau mental, le niveau énergétique, le niveau spirituel et le niveau supramental.

Je fais une disgression pour illustrer le manque de concordance entre les différents niveaux : sur le plan supramental il n’y a pas de distinction entre vie et mort, il n’y a d’ailleurs ni vie, ni mort, juste le prana qui circule sous une forme ou une autre. Sur le plan de l’intellect je peux discourir sur la mort, l’acceptation et la conscience que j’en ai.

Qu’en sera-t-il au niveau du corps ? sur le lit de ma mort ou au chevet de l’être que j’aime. Sans le travail fin et pénétrant que propose le yoga ou la méditation sur nos identifications, il est fort à parier que l’attachement au corps, à la vie, au plan physique (muladhara chakra) nous rattrape, que la peur viscérale de la mort nous voile le savoir que nous avons accumulé.

D’ailleurs cette peur viscérale et incontrôlée car nous refusons de la voir se reflète dans la façon que nous avons de vivre : peur de manquer, besoin d’être protégé, sécurisé, ultra- assuré, peur de vieillir, jeunisme ; toutes ces peurs ont le visage caché de la mort, une angoisse qui prend tant de place et qu’elle engloutit tout discernement.

Si l’on aborde les archétypes féminin/masculin ou yin/yang (ce qui est encore différent) il nous faut prendre en compte les différents plans de conscience et reconnaître que tant que nous ne sommes pas réalisés, tous les plans sont actifs, s’entremêlent et s’influencent.

Lorsque par la pratique nous montons en vibration, c’est-à-dire que l’on s’éloigne de la matière pour toucher des plans plus subtils, plus la dualité liée à l’incarnation du corps physique se lisse et tend vers l’unité. Les oppositions très nettes sur le plan physique (comme la différence des corps féminin/masculin, des hormones qui agissent) devient sur les plans subtils plus proche du centre ; dans ce sens les archétypes Shiva / Shakti qui se jouent à un niveau énergétique subtil ne peuvent être comparés au rapport sexuel homme/femme sur le plan plus grossier. Nous sommes influencés par la matière bien plus que l’on pourrait le croire : produire plus, manger plus, avoir plus de sécurité, de plus grosses maisons, plus de biens reste le modèle ultra-dominant qui montre notre évolution actuelle. Notre activité mentale ne nous a guère éloigné de la prégnance du matériel et l’a peut-être renforcée.

Archétype féminin/masculin quel sens, quelle vérité ?

Je me suis construite à l'encontre de ce que l'on pourrait attendre d'une femme dans le patriarcat, pas de mariage, pas d'enfant, pas de relation durable, pas de dépendance à une autorité masculine, pas même de métier sécurisant, dans une boîte dirigée par des hommes.

Dans le package de cette construction, j’ai effacé toutes les qualités dites, féminines dans une société patriarcale ; douceur, accueil, acceptation, maternité, volupté, vulnérabilité, rondeur étaient pour moi des qualités suspectes, synonymes de faiblesse, d'oppression, d’effacement. Bien sûr tout cela se jouait de façon plus au moins subtile, inconsciente.

Ma rencontre avec Amma (moi qui imaginais un homme comme maître spirituel) son discours sur le féminin, la maternité, la douceur, la patience, la compassion m’ont invitée très progressivement à changer de regard. Là où je refusais de voir une différence entre hommes et femmes, j'ai accepté que l'incarnation apporte la dualité, la différence, un premier pas. Je peux envisager que peut-être il y a une différence sans me révolter.

Le corps

Une réflexion volontairement provocatrice concernant les liens homme/femme, à voir la progression du porno, la prédominance de la sexualisation des corps dans les médias et autres, du rapport de domination des femmes dans le monde (occident et ailleurs), on peut s’interroger sur la proportion des êtres qui ont dépassés les deux (ou trois premiers chakras) (peur, individualité, reproduction et place social) et ont accès à des sphères plus élevées. La différence est incontestablement (90% des Êtres) sur le plan physiologico-physique (forme et hormones). Elle tient dans un second temps au vécu du corps notamment dans la sexualité. La capacité d’être en érection, de pénétrer et d’éjaculer n’apporte pas le même vécu corporel que celui d’être ouvert, de recevoir et d’accueillir un élément extérieur, mais c’est là du domaine du ressenti. Dans les autres différences : l’homme est fécond 28 jours / 28, la femme quelques jours par mois.
Chez l’homme il y a le rapprochement entre éjaculation, jouissance et procréation, ce qui n’est pas le cas chez la femme qui peut avoir du plaisir sans être féconde au cours de son cycle. Enfin l’homme peut forcer un rapport hétéro sexuel, la femme ne le peut pas sans la virilité du mâle.

Concernant la fonction maternelle, avoir la capacité de porter un être durant neuf mois (environ 9 femmes sur 10) avoir la capacité de le nourrir à partir de sa chair et de son lait n’apporte pas le même vécu que d’observer cela de l’extérieur. Les différences sont suffisamment importantes pour développer un autre rapport psychique. Et il me semble important que chacun ait un regard sur cette dimension physiologico -physique.

Les avancées technologiques, comme le fait de choisir son genre, de faire porter son enfant par un autre utérus et d’avoir accès à la procréation artificielle risquent de bouleverser effectivement les rapports hommes/femmes. Est-ce que pour autant elles annuleront la domination d’un être sur un autre, seul l’avenir nous le dira.

Le problème n’est pas la différence mais l’acceptation de cette différence. Aujourd’hui je me sens bien avec l’idée que la femme ne porte pas le même vécu qu’un homme et que cela est une richesse plus qu’un handicap. Je crois aussi que nous sommes des êtres de clan, nous nous regroupons pour nous reconnaitre, être plus fort, nous sentir épaulé ; le clan des femmes en est un, elles partagent un vécu commun que les hommes ne connaissent même s’ils peuvent le comprendre, le pressentir.

Sexualité et mental

Chez l’Être humain sexualité, plaisir et jouissance sont liés (un peu beaucoup , passionnément ou pas du tout), je ne sais pas si c’est le cas chez les animaux ce qui complexifie la réflexion. Dans le yoga on dit que ce qui est plus subtil est plus puissant, donc on peut imaginer qu’un fonctionnement mental (lié à des interdits – des injonctions -une éducation prônant le rejet du corps......) empêchent d'avoir accès au plaisir du corps, le mental fait barrage à la jouissance, aux réaction en chaîne qui provoque le plaisir ; en invitant d’autres images mentales, d’autres pensées je peux alors débloquer temporairement l’accès au plaisir, ces nouvelles images n’entravent pas la libre circulation et le fonctionnement du corps. Dans le tantra la démarche est autre, on quitte au contraire le mental pour descendre dans la sensation pure, la concentration est axée sur le vécu en cherchant à laisser de côté les pensées qui colorent le plaisir ou la jouissance.

Continuons sur les autres niveaux

Le mental déterminé par la construction sociale. Le mental influence le corps, encore et en corps. Notre mental est le creuset de nos expériences, celle de nos ancêtres et même de nos vies passées, il est sous l’influence de notre culture, la somme du vécu individuel et collectif. Certains conditionnements sont débuscables d’autres sont si enfouis que nous n’en avons même pas conscience. L’être humain est de loin l’espèce terrestre où le vécu du corps a le plus évolué avec les transformations que nous avons fait subir à l’environnement ou dans l’organisation sociale.

Nous sommes la seule espèce qui peut modifier l’environnement afin qu’il concorde à nos attentes. Pour exemple face au froid, l’animal n’a d’autres choix que de s’adapter ou de mourir, l’être humain peut créer des habitats sophistiqués, chauffés et confortables. Dans la société patriarcale, le pouvoir accaparé et validé par le masculin a mis dans l’ombre, évincé toutes les qualités humaines qui étaient incompatibles avec la notion de domination : la douceur, l’accueil, l’écoute, la coopération, l’intuition (en opposition avec la connaissance le scientifique), le partage, l’aspect maternant, la vulnérabilité. Aujourd’hui aucun domaine n’échappe à ce schéma : économie, éducation, sexualité, socialisation, santé. La société entière (hommes et femmes) s’est retrouvée amputée de ces qualités, rejetées avec les femmes en marge. Les valeurs « masculines » de virilité, force, puissance, courage, intelligence, compétitivité, logique ont pris le devant de la scène. L’histoire et le corps des hommes et des femmes d’aujourd’hui est marquée par 6000 de patriarcat ( et encore avant ) cette histoire est d’une certaine façon inscrite dans nos ADN, comme il est dit que l’épigénétique est plus actif que la génétique. Les qualités qui ont été attribuées aux hommes et aux femmes, qu’elles soient véritables ou fausses ont influencé leurs évolutions, leur mental, leur rapport au corps et parfois de façon inconsciente. Prétendre changer ce conditionnement en quelques lectures est presque de l’ordre d’une utopie, l’évolution vers l’harmonie entre hommes et femmes demandera des dizaines voire des centaines d’années, nous en sommes aux balbutiements.

En reprenant leur juste place et en s’émancipant il est essentiel que les femmes remettent en avant ses qualités étouffées, non pas parce qu’elles leur appartiennent mais parce qu'elles ont été bannies. Il n’est pas du devoir des femmes de les embrasser toutes sans réserve mais il est tout aussi inadéquates de les refuser car elles ont été dévalorisées Chaque femme et chaque homme, selon sa personnalité, doit redonner leur place à l’ensemble des qualités humaines nécessaires au rééquilibrage de la société.

Hommes et femmes doivent se libérer de ces conditionnements, mais la soif de libération chez les femmes est peut-être plus intense : brimées, malmenées, ignorées, bafouées durant des siècles elles ont plus à y gagner, ou moins à perdre que les hommes.

En luttant ( est- ce le mot) parallèlement contre toutes les dominations: de l’homme sur la femme, de la richesse sur la pauvreté, du fort sur le faible, de la culture sur la nature, la tentative de réification du vivant s’évanouiront.

Aujourd’hui dans ce moment de bouleversement et de grande vulnérabilité où la voix de la terre, de la nature et du vivant se font entendre une brèche est en train de s’ouvrir, nous commençons à réaliser que les valeurs patriarcales ont bâti notre effondrement.

La tâche n’est pas simple car on n’impose pas l’amour, on ne force pas le partage ; la construction d’une société équilibrée demande plus de temps que l’obéissance aveugle à une autorité, la liberté est plus confrontante que la sécurité.

Le yoga est un chemin compatible avec cette révolution ; J’ai demandé à un ami, non pas son avis car il était homme mais en tant d’universitaire sur le rapport au corps universitaire son avis sur le fait pourquoi les femmes se sont approprié le yoga.

Le spirituel

Pour un Yogi réalisé il n’y a ni homme, ni femme, ni sexe, ni genre, ni vie, ni mort, ni commencement, ni fin, ni matière, ni esprit, ni émotions, ni sentiments, il n’y a qu’énergie pure, conscience et émerveillement (Souvenez-vous Nirvana Shatkam de Shankaracharya). Le yoga n’a de cesse de dire que la révolution de l’humanité ne peut passer que par la révolution individuelle, le social n’étant que le reflet de notre état intérieur. Chacun a la responsabilité de développer la dimension spirituelle de l’être, de subtiliser le corps et de sacraliser la matière, d’aller à la rencontre de son inconnu, de sa partie rejetée, non accomplie, de célébrer les noces divines, la réconciliation avec notre partie obscure (Féminin /masculin, yin / yang, Shiva /Shakti) à trouver l’unité. Les mots importent peu, seul compte le chemin.

A titre individuel ne laissons pas le yoga être englouti et dévoré par des valeurs dont on sait qu’elles sont obsolètes : performance, utilitarisme, exhibitionnisme ou la marchandisation du corps.

L’Astrologie en parle cette révolution ne prendra pas les formes que l’on connait, elle ne sera ni de l’ordre du patriarcat, ni de celle du matriarcat mais un genre nouveau, une façon qui préexiste dans l’univers mais qui nous restent totalement inconnu.

AUM AIM HRIM KRIM SREEM

Pourquoi les hommes ne se sont pas approprié le yoga en France ?

J’ai demandé à un ami son avis, non pas car il était homme mais en tant qu’universitaire spécialiste du rapport au corps

Son avis

À mon avis ça s’explique avec le contexte historique de l’entre-deux-guerres où les pratiques masculines s’inscrivaient classiquement dans une culture gymnique très militaire, mais aussi parce qu’ils avaient accès à tout un panel de pratiques sportives (au sens strict) d’où les femmes étaient exclues : c’est ainsi probable qu’elles se soient emparées d’une pratique qui a son développement en France n’était pas réservé aux hommes. En Allemagne, où le yoga se développe bien dans les années 30, se met en place pour les hommes ce que le national socialisme puis l’hitlérisme va nommer « sport de terrain » : une pratique de plein air, plutôt dure et exaltant des valeurs de virilités. Or, à cette époque et jusque dans les années de guerre, des publicités paraissent sur le yoga comme l’exercice idéal pour la femme allemande : de fait entre « le sport de terrain » et le yoga il n’y avait pas la même dureté et le yoga était censé favoriser des qualités de grâce, d’élégance.....etc. alors considérées comme typiquement féminines. Sans doute est-il possible de faire des croisements entre le cas allemand et le cas français, mais dans les revues classiques d’éducation physique en France il est très rarement fait état de yoga (moins d’indianistes qu’en Allemagne). Question à creuser.


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Réflexion sur le yoga et le patriarcat